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"Supplément au voyage" au Quai d’Orsay, par Isabel Hénin, diplomate d’échange allemande - 16 février 2015

Dans ce billet, publié dans les Carnets diplomatiques, le blog du Ministère des affaires étrangères et du développement international, Isabel Hénin évoque son expérience de diplomate d’échange allemande au Quai d’Orsay.

Diplomate d’échange allemande, c’est mon troisième jour après ma prise de poste au Quai d’Orsay. Déjà envoyée en mission à Vienne, je m’entends dire à un auditoire international : « La France soutient l’initiative allemande… »

Que s’est-il passé ? Comment moi, diplomate allemande, me suis-je retrouvée dans une délégation française à une conférence internationale ?

Retour en arrière : il y a 29 ans, en 1986, les ministres français et allemand des Affaires étrangères, MM. Dumas et Genscher, lancent un programme d’échange entre les diplomates des deux pays avec l’objectif de renforcer la coopération franco-allemande, y compris dans la diplomatie quotidienne. Une initiative visionnaire et symbole fort de la confiance mutuelle entre les deux pays. Depuis, les diplomates et autres fonctionnaires d’échange s’établissent dans les différents ministères partenaires, sont complètement intégrés dans l’organisation de travail et participent pleinement au processus d’orientation politique.

Revenons donc à mon troisième jour au « Département », comme on appelle le ministère des Affaires étrangères à Paris. Après mon intervention à Vienne, d’autres diplomates viennent m’interroger sur la position française, s’étonnant sur l’absence d’accent français quand je parle anglais, voire allemand. L’explication que je leur donne après trois jours d’expérience suscite des réactions diverses. Certains s’étonnent - il est inconcevable pour eux que le diplomate d’un autre pays s’exprime à leur place. D’autres hochent la tête. « Ah oui, bien sûr, le couple franco-allemand ! Et comment va Mme Merkel ? ».

Après plus de trois mois d’expérience, je vous confirme que la pratique est à la hauteur de la théorie. Chaleureusement accueillie et pleinement intégrée au sein de la Direction des Nations Unies, je navigue avec plus d’assurance non seulement dans les couloirs du Quai d’Orsay sans m’y perdre (en cherchant à faire viser mes instructions pour New York ou Vienne) mais aussi dans le monde complexe onusien, des PP et OP, y compris l’adoption du langage : « Sous contrôle de xy, il convient que, en amont de la négociations de la résolution yz, vous démarchiez auprès des membres affinitaires du Conseil de sécurité afin d’obtenir leur soutien aux points xyz… ».

Bien sûr, je ne peux m’empêcher de comparer les positions de deux pays, les méthodes de négociation et l’organisation du travail au quotidien. Bien sûr, certains aspects continuent de m’étonner (ils vont de la queue de pie des huissiers à l’Hôtel du Ministre en passant par la flexibilité d’un délai de rigueur, jusqu’à la queue devant le bureau du Sous-directeur pour faire valider des notes). D’autres me rassurent… Car malgré de grandes différences, il y a beaucoup de points communs.

Mes collègues, mes amis, ma famille m’interrogent, curieux de savoir s’il y a des ressemblances avec le film « Quai d’Orsay », devenu mythique à l’Auswärtiges Amt. Je dois leur concéder qu’il y a du vrai…

Le titre est un emprunt au livre de l’ancien ambassadeur de France auprès des Nations Unies à New York, Alain Dejammet, Supplément au voyage en Onusie

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