Prix de Gaulle-Adenauer 2006 - Intervention du ministre fédéral délégué aux Affaires européennes, Günter Gloser

Berlin, le 24 janvier 2006

Monsieur le Président,
Monsieur le Chancelier fédéral, Cher Helmut,
Messieurs les Ministres,
Madame Colonna, Chère Catherine,
Chers invités,

Le Prix de Gaulle-Adenauer nous permet chaque année de distinguer des personnalités françaises et allemandes qui, comme le stipule la définition de cette distinction, ont apporté « d’éminentes contributions » à la coopération franco-allemande. Je me réjouis particulièrement de rendre hommage aujourd’hui à deux hommes, qui - l’un en tant que Président, l’autre en tant que Chancelier fédéral – ont conduit le destin de nos deux pays presque en même temps. Dans l’exercice de leurs fonctions, ils ont coopéré de façon si étroite et ont poursuivi leurs objectifs si conjointement qu’ils figurent en tant que « couple » politique de manière tout à fait remarquable dans le sillage des personnalités qui ont donné leur nom au prix – de Gaulle et Adenauer.

Mme Catherine Colonna exprimera nos remerciements spéciaux à M. Helmut Schmidt ; quant à moi, je m’adresserai d’abord à vous, Monsieur le Président.

Vous allez fêter la semaine prochaine votre quatre-vingtième anniversaire et à cette occasion, Monsieur le Président, vous vous remémorerez peut-être votre ville de naissance, Coblence, et vos premières années passées en Allemagne. Dans vos jeunes années, vous avez connu l’Allemagne en tant que pacifiste et occupant. Vous avez vécu la fin de la guerre dans l’armée du Général de Lattre.

Alors que vous étiez encore tout jeune homme, vous avez pris en charge de grandes responsabilités. En tant que député, Secrétaire d’Etat, Ministre des Finances, vous avez marqué de votre empreinte le développement de votre pays. Et alors que vous exerciez ces fonctions, vous avez coopéré de façon tout à fait naturelle avec les représentants de l’Allemagne. Vous l’avez fait avec lucidité et pragmatisme – pour le bien de votre pays comme pour celui du nôtre et de l’Europe tout entière. Et en même temps, vous avez mis en œuvre la coopération franco-allemande avec un enthousiasme tout personnel et une grande fiabilité. Cela n’était pas une question de style personnel, mais de style politique.

L’Europe et la France ont toujours été intimement unies dans votre action politique. En tant que plus jeune Président que la France ait jamais connu, vous vous étiez fixé comme mission d’amener, dans tous les domaines vitaux, votre pays à tous les rendez-vous de la modernité. Aux niveaux industriel, scientifique mais aussi en matière de politique sociale, vous avez conçu, favorisé et conduit la percée des années soixante-dix.

Pendant votre mandat, vous avez clairement placé la coopération franco-allemande au service du projet européen. C’est sur cette base que reposent les succès qui vous ont assuré, ainsi qu’à Helmut Schmidt, une place dans l’histoire. Le fait que vous ayiez trouvé en M. Helmut Schmidt, alors que vous étiez Ministre des Finances et plus tard en tant que Président de la République, un partenaire de même valeur a été une chance pour la France, l’Allemagne et l’Europe. M. Helmut Schmidt relate, dans son livre « Die Deutschen und ihre Nachbarn » (Les Allemands et leurs voisins), votre première rencontre alors que vous étiez Ministre des Finances, mais aussi votre premier entretien en tant que Président de la République avec le Chancelier fédéral, deux semaines après votre prise de fonctions. Il est presque difficile de croire aujourd’hui que cette rencontre avait été alors considérée comme « précoce », « étonnante » - avant d’être pourtant reconnue plus tard comme un acte allant de soi, qui devait marquer le début d’une coopération incomparablement étroite au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement.

Le Ministre Steinmeier a déjà évoqué les services que vous avez rendus à l’Union européenne et le mérite qui vous revient dans les rencontres entre grandes nations industrielles et dans le développement de l’industrie européenne aéronautique et spatiale. Votre principe consistait à prendre au sérieux les institutions européennes mais en outre, de soigner systématiquement le contact personnel et les relations personnelles au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement. C’est en ce que vous avez su reconnaître et exploiter ces deux éléments que réside, à mon avis, votre plus grande contribution humaine et politique.

Il est significatif que sous votre présidence, des impulsions ont été données, qui sont aujourd’hui plus d’actualité que jamais. Ce matin, Catherine Colonna et moi-même avons visité un atelier d’apprentissage à Wedding, qui accueille 14 apprentis français dans le cadre d’un échange de trois semaines. Le programme a vu le jour en 1980, sous votre égide et celle de M. Helmut Schmidt. Vous avez permis l’assurance par ce programme et les nombreux autres qui ont suivi, que la coopération ne fonctionne pas seulement au niveau des hommes politiques mais inclue de nombreux groupes de population.

Le fait que Catherine Colonna et moi-même avons visité justement le quartier de Wedding est particulièrement émouvant. Lorsqu’en 1979, vous avez été le premier chef d’Etat français depuis Napoléon à vous rendre à Berlin – M. Helmut Schmidt le relate également – vous avez prononcé, devant l’Hôtel de Ville de Wedding, un discours qui a fortement retenu l’attention dans lequel vous vous prononciez de façon impressionnante pour la liberté et la sécurité de cette ville.

L’Europe et la France – cela est resté la devise de votre action même après la fin de votre présidence. En votre qualité de député européen, vous avez suivi les débats sur le Traité de Maastricht. Le renforcement du Parlement européen qu’a apporté le projet de constitution trouve également son origine dans vos expériences de cette époque.

Monsieur le Président, en tant que Président de la Convention européenne, vous avez veillé à ce que l’Europe soit dotée d’une orientation durable. Cette oeuvre doit être préservée. Nous espérons que vous allez vous impliquer, de toute votre autorité, dans le futur débat sur l’avenir de l’Union.

Monsieur le Président, par votre vie et votre action, vous nous avez donné maintes impulsions et ouvert maintes perspectives. C’est pour cela aussi que nous vous rendons hommage aujourd’hui. Lors de l’attribution du Prix Charlemagne de la ville d’Aix-la-Chapelle en mai 2003, vous aviez déclaré – et je me permets de vous citer : « L’Europe a une âme. Nous ne pouvons ni l’ignorer ni l’oublier. L’Europe doit sortir du petit cercle des initiés. Elle doit être rendue à la politique, aux citoyens, au débat public ».

Monsieur le Président, nous avons l’honneur de vous recevoir aujourd’hui et de vous décerner le prix de Gaulle-Adanauer.

Je vous remercie.

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