Laurent Fabius et Guido Westerwelle soulignent leur "attachement à la dynamique franco-allemande en Europe" (Berlin, 04.06.12)

Le ministre des Affaires étrangères français , M. Laurent Fabius, s’est rendu à Berlin le 4 juin, où il a été reçu par son homologue allemand, M. Guido Westerwelle.

Photo : Bild 6 von 6 Photothek / Trutschel.

À Berlin, le ministre et son homologue allemand ont évoqué la situation de l’Europe et les moyens de relancer la croissance, les célébrations franco-allemandes à l’occasion du 50e anniversaire du Traité de l’Élysée (le 22 janvier 2013), ainsi que les principaux sujets d’actualité internationale : Syrie, Iran, processus de paix au Proche-Orient, Afghanistan, Sahel, soutien à la transition démocratique dans les pays du Maghreb.

Conférence de presse conjointe - propos de Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères.

"(...)Merci, Cher Guido, de tes mots d’accueil ; j’y suis extrêmement sensible. Le fait que j’ai choisi comme premier déplacement en Europe de venir rendre visite à mon collègue allemand est, bien sûr, un signe particulier. Je suis heureux d’être aujourd’hui parmi vous.

Je suis d’autant plus heureux d’être ici aux côtés de Guido que j’ai toujours été un fervent partisan et praticien de l’amitié franco-allemande. Je rappelais ce matin devant de jeunes diplomates que j’avais commencé ma vie politique aux côtés du président François Mitterrand qui, je crois, a laissé dans l’amitié franco-allemande une trace extrêmement importante et que mes premières discussions en tant que responsable politique avaient été avec le chancelier Helmut Kohl. Vous me direz, c’était au siècle précédent, oui, mais l’amitié c’est quelque chose qui doit s’appuyer sur la durée et la fidélité.

Avec Guido, nous avons eu un entretien amical, constructif et productif, qui a été l’occasion de souligner le contexte tout à fait exceptionnel pour la relation franco-allemande puisque nous allons avoir bientôt le 50ème anniversaire du Traité de l’Élysée que nous allons célébrer au début de l’année prochaine.

Nous avons surtout consacré l’essentiel de nos échanges à réaffirmer l’attachement qui est le nôtre à la dynamique franco-allemande, dynamique qui est particulièrement nécessaire au moment où l’Europe connaît des difficultés qui sont présentes à l’esprit de tous. Il est très important, notamment dans cette période, que nous arrivions à rapprocher les points de vue. Je pense que ce sera le cas. Lorsque Guido donne les grandes têtes de chapitre qui sont celles de notre action commune, il y a un accord sur ces têtes de chapitre. La discipline budgétaire est indispensable et, parfois, la position française n’est pas toujours comprise. On a le sentiment que les Français, que le gouvernement français est réticent à la discipline budgétaire. Certainement pas ! Ce gouvernement, le gouvernement auquel j’ai l’honneur d’appartenir, sait bien qu’il y a des efforts budgétaires à faire et il les fera. Donc, le premier pilier du triangle est bien évidemment le sérieux budgétaire.

Le deuxième pilier du triangle - et nous sommes heureux que désormais ce soit quelque chose de reconnu -, c’est la nécessité de la croissance car, l’exemple de nombreux pays d’Europe est là pour le prouver, si l’on a le sérieux budgétaire mais qu’il n’y a pas de croissance, mais au contraire un recul de la production, alors on n’obtient ni les résultats budgétaires ni les résultats économiques.

Donc, il faut que nous ayons le premier pilier du triangle, le sérieux budgétaire, le deuxième pilier du triangle, la croissance, et le troisième pilier - Guido l’a cité avec raison -, la solidarité. Nous sommes engagés dans un processus européen, ce qui veut dire qu’il faut que chacun fasse des efforts pour venir au soutien des autres. Il faut que les pays qui sont en difficulté eux-mêmes fassent des efforts qui sont souvent d’ailleurs lourds pour leur population, reconnaissons-le, et il faut que les pays qui ont la possibilité d’avoir un peu plus de croissance et de facilité fassent des efforts de solidarité.

C’est là-dessus qu’est fondée, bien évidemment, la perspective européenne. Alors, il reste, dans le droit chemin des réunions qui auront lieu dans la deuxième quinzaine du mois de juin, des efforts à faire pour rapprocher les points de vue, je ne pense pas tellement de la discipline budgétaire mais sur le contenu, en particulier, de la solidarité et de la croissance. Il y a des points sur lesquels d’ores et déjà de larges accords apparaissent et d’autres sur lesquels il faut encore des discussions. Nous y sommes prêts et nous avons contribué par les quelques dizaines de minutes que nous avons passées ensemble à faire avancer les points de vue.

Nous avons aussi abordé, bien sûr, d’autres sujets et, notamment, deux sujets. L’un que tu n’as pas mentionné, mais dont je voudrais parler parce que c’est une préoccupation pour nous, c’est ce qui est en train de se passer dans le Sahel, zone en difficulté au sud de la zone saharienne et où, sans qu’il soit besoin d’insister, se mêlent une situation de famine, des États qui ne sont pas très stabilisés, des divisions ethniques, la venue de mouvements religieux intégristes, des enlèvements d’otages. Bref, il y a là un cocktail très dangereux et c’est un point sur lequel il faut qu’à la fois nos amis africains - et c’est le cas -, l’Europe et même l’ensemble de la communauté internationale se penchent attentivement.

Puis, nous avons parlé, bien sûr, de la Syrie. La France accueillera au début du mois de juillet une conférence qu’on appelle la conférence du Groupe des amis de la Syrie qui sont nombreux et divers. D’ici là, des points nous paraissent essentiels. D’abord le soutien de la mission difficile de Kofi Annan - il faut faire en sorte, autant que possible, que les armes et les exactions cessent puisque c’est cela la priorité absolue. Ensuite, il faut que des conversations puissent avoir lieu pour essayer de rassembler les forces d’opposition.

D’autre part, il faut éviter que le conflit qui est déjà extrêmement meurtrier s’étende à d’autres pays et j’ai, comme Guido, un mot tout particulier - puisque vous savez que la France y est très attachée - à nos amis du Liban. Nous souhaitons très fortement que la population libanaise, qui a déjà été très éprouvée dans le passé, n’ait pas à subir à nouveau les contrecoups de ce qui se passe en Syrie ; c’est un appel que je lance.

Et puis, bien sûr, le président Poutine était présent en Allemagne et en France il y a de cela quelques jours. Nous avons eu l’occasion de parler avec lui et avec le ministre des Affaires étrangères, Serguei Lavrov. Il faut avoir des discussions avec nos collègues russes dont on sait qu’ils peuvent jouer un rôle important dans la résolution de ces questions.

Voilà quelques points que nous avons abordés avec, bien évidemment, beaucoup d’autres.

En tout cas, avant de répondre à une question, vraiment je suis navré parce que j’aime le moment de l’échange avec la presse mais là il va être très limité et j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur. Je suis heureux de ce début de collaboration qui bien évidemment sera poursuivi par beaucoup d’autres échanges. Je suis heureux que ces échanges se fassent dans un climat naissant d’amitié parce que nous avons à traiter de problèmes très sérieux et quand, en plus, il peut y avoir un climat amical, les choses ne se passent que mieux.

Q - On a cru apercevoir des divergences notamment sur l’utilisation possible à terme de la violence ou d’une intervention militaire sur le terrain. Quelles sont précisément ces différences de vues entre Paris et Berlin ? Comment comptez-vous faire pour éviter que se répètent les erreurs qui se sont produites sur la Libye avec des différends apparus au grand jour entre Paris et Berlin ?

R - Je vais répondre, pour ce qui me concerne, pour réaffirmer quelques points. Le point central, à partir d’un commun souci, est que les exactions cessent et que la population syrienne soit à nouveau respectée alors que des drames épouvantables se produisent là-bas. Le point central, si je puis dire, c’est que toute action menée ne peut l’être que dans le cadre des Nations unies. Cela a été affirmé avec force par le président français, je le réaffirme aujourd’hui, c’est dans le cadre de la légalité internationale telle qu’elle est définie par l’organisation des Nations unies qu’il faut agir. Alors, les modalités de cette action doivent être définies bien sûr par les Nations unies et il y a déjà eu un certain nombre de décisions qui ont été prises. Mais, au Conseil de sécurité, les décisions sont difficiles puisque jusqu’à présent les Russes et les Chinois ont affirmé leur opposition à de telles décisions.

En tout cas, c’est ce point là qui est le point central. Après, les modalités précises qui seront choisies dépendront très largement de l’évolution de la situation et du comportement de M. Assad lui-même. Nous, nous considérons - mais je crois qu’il n’y a pas du tout de différence là-dessus - qu’aucune solution durable n’est possible tant que M. Bachar Al Assad sera aux responsabilités - il y a eu tellement d’exactions - et je considère que le régime syrien finira par tomber sous le poids de ses crimes. Après, les modalités qui seront celles que choisira la communauté internationale restent encore à définir, mais sur cette perspective centrale, j’ai cru comprendre qu’il y avait un large accord entre nous.

(…)"

Source : ministère des Affaires étrangères.

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