Intervention de Jean-Pierre Jouyet à l’occasion de l’ouverture de la « Saison de la France » en Rhénanie du Nord – Westphalie (Düsseldorf, 22 janvier 2008)

Monsieur le Ministre-Président,
Chers amis,

„Zunächst entschuldigen Sie bitte, dass ich kein Deutsch spreche“
(traduction : tout d’abord, je m’excuse de ne pas parler l’allemand).
C’est une joie et un honneur pour moi d’ouvrir ce soir à Düsseldorf en votre compagnie, cette « saison France - Rhénanie du Nord-Westphalie » à l’occasion du 45ème anniversaire du Traité de l’Elysée.

Le caractère exceptionnel des manifestations que vous avez programmées a été remarqué en France au plus haut niveau de l’Etat. Ainsi, M. François Fillon, le Premier ministre a-t-il accepté d’en être avec vous le parrain.
M. Fillon a d’autant plus volontiers accordé son parrainage que la Rhénanie du Nord-Westphalie est pour la France un partenaire plus que privilégié et que vous êtes son ami, M. le Ministre-Président et l’amitié personnelle dépasse l’amitié politique, comme vous l’avez souligné. Il connaît l’influence politique, économique et culturelle de votre région. Nous connaissons bien la francophilie de ses habitants, la force de leur sentiment d’appartenance à l’Europe, ainsi que leur esprit d’ouverture sur le monde.
C’est donc avec beaucoup de plaisir que je vous transmets, à sa demande, ses plus chaleureuses salutations, ainsi qu’aux membres de votre Gouvernement et à vos concitoyens. J’y joins tous ses vœux de succès pour les actions qui vont commencer maintenant à votre initiative, en France et dans votre région, pour créer une nouvelle dynamique dans les relations franco-allemandes.

Cette dynamique, elle existe indéniablement au niveau le plus élevé de nos deux Etats. Depuis 1945, des hommes éminents se sont levés pour l’entretenir et proposer de nouveaux objectifs communs. Je pense naturellement à Konrad Adenauer, mais égalemet à d’autres, moins connus, comme l’Abbé Franz Stock, à l’humanité duquel je souhaiterais rendre un hommage particulier ce soir. Je sais, M. le Ministre-Président que vous vous rendrez prochainement à Chartres et de nombreuses personnalités en France souhaitent également honorer sa mémoire.
Les plus beaux fruits de ce volontarisme politique sans équivalent entre deux Etats souverains, ce sont la paix, la coopération que nous avons engagée depuis plus de 40 ans et notre Europe forte de ses 27 membres.
Cependant, si je suis, comme vous tous ici, persuadé du caractère sans équivalent de la relation franco-allemande, je partage le sentiment que votre ministre en charge des Affaires européennes et fédérales, M. Krautscheid a souvent énoncé : l’évidence même aujourd’hui de la relation franco-allemande est un risque pour son existence. Il ne faudrait pas qu’elle se banalise au point de passer après la mise en avant de relations nouvelles avec les nouveaux grands acteurs de la mondialisation. Il faut faire attention en effet aux phénomènes de mode…La relation franco-allemande restera toujours pour nos deux peuples d’une autre nature : celle de relations très étroites au niveau des écoles, des jumelages avec les régions, celle d’un ciment pour une solidarité européenne toujours plus étroite, celle aussi des valeurs que nous partageons dans l’ordre économie et sociale. Je mesure ce que peut être pour votre Land la restructuration de l’entreprise Nokia à Bochum.

Aussi, je me félicite de voir que vous ayez choisi de mettre en valeur nos relations bilatérales par des actions concrètes, dans tous les domaines : politique, culturel, économique, scolaire et universitaire, en donnant aussi une place importante aux initiatives émanant de la société civile et enfin en programmant des manifestations partout en France et dans votre région, notamment par le biais des partenariats entre villes, des jumelages scolaires et des coopérations universitaires.

Votre contribution à l’amitié franco-allemande par sa richesse créera les conditions d’un dialogue non seulement de qualité mais aussi durable. Je tiens à vous en remercier chaleureusement, ainsi que tous ceux qui sont et vont être les fers de lance des événements programmés dans le cadre de la saison France-Rhénanie du Nord Westphalie.

L’Allemagne et la France ont plus que jamais besoin de bien se connaître pour unir leurs forces, pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain et pour faire entendre la voix de l’Europe dans le monde. La qualité de notre dialogue passe par une confiance partagée, par une connaissance des dépendances communes et par un respect authentique des qualités et des particularités de chacun.
A cet effet, les actions que nous entreprenons en faveur de notre jeunesse sont très importantes. Il est essentiel que celle-ci soit non pas la spectatrice d’une relation qui pourrait lui paraître démodée mais l’actrice de celle-ci et mieux encore même la créatrice d’un nouveau type de dialogue. Le développement inlassable des échanges entre jeunes demeure le fondement d’une nouvelle génération et le plus sûr garant de la poursuite de notre aventure commune.

La connaissance de l’autre, de sa culture et de sa langue, est au cœur même de l’identité européenne. Elle contribue fortement à l’enrichissement de chacun, améliore grandement sa capacité d’adaptation et de préservation de ses qualités propres. Identité européenne et identité nationale, loin de s’opposer, s’enrichissent lorsque le dialogue et les échanges sont intenses et profonds.
C’est en nous unissant au service de l’acceptation de l’autre, de la diversité que nous avons contribué à la réalisation du rêve de Charlemagne d’une Europe pacifiée, unie et prospère. C’est en le poursuivant que nous pouvons essayer de faire de notre aventure commune, celle de la réconciliation, puis d’une amitié vécue au quotidien, un modèle en des temps où les hommes continuent à se déchirer.

Pour finir, je voudrais partager ma conviction que la France a besoin de l’Allemagne et l’Allemagne de la France pour continuer à faire avancer l’Europe, pour exister sur la scène mondiale et pour offrir des réponses pertinentes aux défis du 21ème siècle.
Le Traité de Lisbonne que l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne sont maintenant appelés à ratifier vient mettre un terme aux interrogations sur l’avenir institutionnel de l’Europe et dote notre continent d’une capacité d’action nouvelle. Il convient donc de nous préparer dès maintenant à cette nouvelle phase de la construction européenne qui débutera, nous l’espérons tous, dès le 1er janvier 2009. La Présidence française de l’Union européenne à partir du 1er juillet prochain aura à préparer, à la suite de la présidence slovène, la nouvelle dynamique permise par le Traité sur les grandes politiques communes. Nous avons besoin d’un coopération étroite avec vous pour répondre à ces nouveaux défis : la globalisation, la menace terroriste, le changement climatique, la politique énergétique, la gestion des flux migratoires, l’intégrations des populations extra-communautaires, le défi alimentaire , l’affirmation de l’Europe sur la scène internationale et je pense à la politique de défense.
Pour préparer cette relance européenne, la relation franco-allemande est plus que jamais indispensable.

Merci donc de nous aider à donner en France envie d’Allemagne et chez vous envie de France. Merci de nous offrir dès ce soir un cadre de mise en commun de nos réflexions pour inventer ensemble l’avenir de nos relations au service de l’Europe et de la paix dans le monde.

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