Jacques Delors

Jacques Delors naît à Paris le 20 juillet 1925. Autodidacte, il mène de front ses études, une activité professionnelle (d’abord à la Banque de France) et un engagement dans le syndicalisme chrétien (CFTC, Reconstruction). Dans les années soixante, il est l’un des principaux inspirateurs de la seconde gauche et devient le responsable du club "Citoyens 60" crée par la "Vie Nouvelle", mouvement d’inspiration personnaliste.

En 1969, il rejoint le cabinet de Jacques Chaban-Delmas. Conseiller en charge des Affaires sociales, il s’occupe des affaires sociales et culturelles puis des questions économiques, financières et sociales. Jacques Delors adhère au Parti socialiste en novembre 1974.

1979-1989 : la carrière européenne et le "Livre Blanc"

En 1979, il est élu au Parlement européen où il préside la Commission économique et monétaire.

En 1981, il est nommé ministre des Finances, portefeuille qu’il conserve jusqu’en 1984. Face à l’aggravation de la crise économique, il convertit les socialistes français aux politiques de rigueur et de désinflation compétitive.

Après avoir quitté le gouvernement, il assurera, de janvier 1985 à décembre 1994, trois mandats en tant que président de la Commission européenne. Ces derniers seront marqués par une profonde relance de la construction européenne.

Le 14 juin 1985, Jacques Delors transmet au Conseil un projet d’accord sur l’achèvement du marché intérieur. Ce "Livre blanc", présenté par la Commission, est approuvé par le Conseil européen de Milan des 29-30 juin 1985. En près de 310 mesures, il vise à stimuler la reprise économique, à assurer les libertés de circulation des individus, des biens, des services et des capitaux et à réunir les marchés nationaux en un marché unique pour le 31 décembre 1992 au plus tard. Ainsi parle-t-on de "l’objectif 92". Ce texte aboutit à la signature de l’Acte unique en février 1986.

Jacques Delors préside ensuite le comité chargé d’étudier le projet d’une Union économique et monétaire (1988-1989). Les travaux du comité Delors inspireront très largement le volet économique et monétaire du Traité de Maastricht et la naissance de la monnaie unique européenne.

C’est Jacques Delors qui suggéra que le comité spécial sur l’union monétaire soit composé des gouverneurs des banques centrales, plus indépendants des gouvernements, plutôt que des ministres des Finances qui formaient déjà le Conseil économique et financier de la Communauté (Ecofin) et dont certains se montraient hostiles au projet. Après de vives discussions, le président de la Bundesbank allemande se rallie au projet à condition toutefois que la future Banque centrale européenne (BCE) soit indépendante.

1989 : le plan Delors

Le "Rapport Delors", approuvé par la Commission, est présenté le 12 avril 1989 et reprend la définition de l’Union économique et monétaire (UEM) déjà exprimée par le plan Werner en 1970.

Trois clauses sont insérées :

- la convertibilité totale et irréversible des monnaies ;
- la libéralisation complète des mouvements de capitaux ;
- la détermination de parités fixes entre les monnaies européennes.

La dernière modalité, l’adoption d’une monnaie unique présente de nombreux avantages, puisqu’elle facilite les mouvements des individus et les échanges commerciaux en supprimant les risques et les coûts de change des devises et favorise ainsi les investissements et la croissance économique.

Pour réaliser l’UEM par l’harmonisation des politiques fiscales et budgétaires, le "Rapport Delors" propose un processus en trois étapes :

- La première étape est l’aboutissement du marché unique, grâce à la coordination soutenue des politiques économiques et de la coopération monétaire et à l’approbation de toutes les monnaies au mécanisme de change du Système Monétaire Européen (SME). Pendant cette phase, doit être négocié et ratifié un traité d’UEM ;

- Dans un deuxième temps, il s’agit de mettre en place un Système européen de banques centrales (SEBC) ;

- La phase finale transfère certaines compétences économiques et monétaires aux institutions de l’Union et elle assure le passage irrévocable à des parités fixes et, si possible, à une monnaie unique remplaçant les monnaies nationales.

Le plan Delors définit ainsi les mesures à prendre pour créer l’UEM ainsi que les transferts de souveraineté qu’elle induit. Il ne fixe néanmoins ni agenda, ni délais qui appartiennent à la détermination politique des États membres.

La fin de son mandat à la Commission Européenne

Négociateur reconnu, Delors obtient à plusieurs reprises la conciliation des intérêts contradictoires des Etats membres. Il est ainsi l’initiateur des politiques de réformes budgétaires (les deux "paquets Delors"), de la Charte sociale européenne adoptée en 1961 et des programmes Erasmus.

Signé en 1992, le Traité de Maastricht augmente considérablement les compétences de l’Union européenne.

Le Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l’emploi (1993) est adopté par le Conseil européen. A la fin de son mandat, Jacques Delors laisse une Europe profondément rénovée et élargie à quinze Etats.

Toujours présent dans le débat européen et économique par l’influence de sa personnalité et de ses activités, il dirige depuis 1996 le groupement d’études et de recherches "Notre Europe".

Il a été le Président du Collège d’Europe de Bruges de 1995 à 1999. Il préside depuis 2000 le Conseil pour l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC). Il est également docteur honoris causa de 24 universités en Europe, aux Etats-Unis et au Canada.

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