Déclaration du Conseil de Défense et de Sécurité franco-allemand (26 avril 2005)

La France et l’Allemagne réaffirment leur conviction que l’entrée en vigueur du traité constitutionnel sera une étape importante pour affirmer le poids de l’Europe sur la scène internationale, et renforcer sa capacité à agir au service de la paix et de la sécurité du monde.

Nos pays se félicitent que, pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, la communauté de destin entre les Etats membres soit matérialisée par une Constitution. Le traité constitutionnel marque ainsi une étape majeure dans l’affirmation du projet politique européen, tels que nos pays le portent depuis ses origines. Reprenant les propositions que nos pays avaient présentés conjointement au sein de la Convention sur l’avenir de l’Europe, la constitution affirme en particulier le principe de solidarité face aux risques et menaces de toute nature. Elle fait obligation à l’Union et à ses Etats membres de porter assistance, par tous les moyens, y compris militaires, à un Etat membre touché par une catastrophe naturelle ou d’origine humaine ou un acte terroriste. En cas d’agression armée contre le territoire de l’un d’eux, les Etats membres se devront désormais également aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir. Pour la France et l’Allemagne, ces engagements sont naturellement compatibles avec ceux pris dans l’Alliance atlantique, fondement de notre défense collective.

La Constitution sera également l’instrument d’un renforcement de l’efficacité de l’action européenne sur la scène internationale grâce à :

  • Une politique étrangère de sécurité et de défense commune plus cohérente et plus visible, grâce à la création du poste de Ministre des Affaires étrangères de l’Union ;
  • Le renforcement du champ d’action de la défense européenne à travers l’élargissement du spectre des missions de l’Union ;
  • Une plus grande efficacité des efforts de défense des Européens et le renforcement de notre base industrielle de défense par le travail en commun au sein de l’Agence européenne de défense ;
  • La possibilité donnée aux Etats membres qui le souhaitent d’aller plus loin ensemble dans la construction d’une Europe de la Défense toujours plus efficace et plus solidaire, dans le cadre d’une coopération structurée permanente.
    D’ores et déjà , la dynamique suscitée par le traité constitutionnel a permis de mettre en place de nouveaux instruments pour une plus grande efficacité opérationnelle de la défense européenne. La France et l’Allemagne appuient le renforcement des moyens européens de planification et de conduite d’opérations en cours de mise en place au sein de l’état-major de l’Union (cellule civilo-militaire). Ces moyens permettront dès 2006 à l’Union européenne de générer rapidement un centre d’opérations pour conduire des opérations autonomes de la taille de l’opération Artémis, notamment dans le cas où une réponse civilo-militaire est nécessaire et où un quartier général national n’est pas désigné. En outre, ils estiment que la mise en place d’une petite cellule de l’Union européenne au SHAPE et l’établissement des arrangements de liaison de l’OTAN avec l’Etat major de l’Union européenne contribueront au développement du partenariat stratégique entre l’Union et l’OTAN dans la gestion des crises Nous sommes convaincus que le développement de la PESD contribue à renforcer le pilier européen de l’Alliance.

La France et l’Allemagne contribuent au projet de groupements tactiques et se félicitent qu’un très grand nombre d’Etats membres aient décidé d’y participer. L’accroissement de la capacité de réaction rapide de l’Union qu’il permet -à travers la mise en place de forces multinationales ou nationales déployables à très brève échéance- facilitera la capacité de l’Union à intervenir dans le cadre d’opérations militaires autonomes, notamment en soutien des Nations Unies. La Brigade franco-allemande fournira le noyau d’un groupement tactique en 2008. La France et l’Allemagne contribuent à la capacité opérationnelle initiale des groupements tactiques en fournissant dès 2006 des éléments conjoints dont elles assureront le commandement en alternance. Chacun de nos deux pays a par ailleurs décidé de mettre d’autres groupements tactiques à disposition de l’Union. Les concepts de groupements tactiques et de Force de réaction rapide (NRF) de l’OTAN sont compatibles.

Au cours de ces deux dernières années, nos pays sont fiers d’avoir contribué aux premières opérations militaires de l’Union européenne au service de la paix. En République Démocratique du Congo, nos pays ont participé à la première opération autonome de l’Union européenne (Artémis). Dans l’Ancienne République yougoslave de Macédoine , puis en Bosnie-Herzégovine, l’Union européenne a pris la relève de l’OTAN. Elle conduit encore dans ce pays une opération d’importance majeure avec 6.700 hommes déployés (opération Althéa) en s’appuyant sur des moyens et capacités de l’OTAN. Cette action est complétée par la Mission de police de l’Union européenne (MPUE). Dans l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, l’opération de police Proxima poursuit sa mission. En Géorgie, l’Union a lancé une mission d’aide à la construction de l’Etat de droit. En République démocratique du Congo et en Iraq, elle s’apprête à lancer des actions de formation en direction des fonctionnaires, notamment des policiers et des magistrats.

La coopération bi- ou multilatérale au niveau opérationnel constitue un des succès majeurs des six derniers mois. L’engagement du Corps européen et de la Brigade franco-allemande, en Afghanistan, au second semestre 2004 dans le cadre de l’opération FIAS de l’OTAN, a démontré la grande capacité de ces forces multinationales européennes, à accomplir leur mission dans un environnement difficile. Cet engagement a été marqué par le bon déroulement des opérations électorales lors de l’élection présidentielle afghane.

Nos deux pays poursuivent leurs efforts au Kosovo. La KFOR de l’OTAN, commandée par un général français, qui a succédé à un général allemand en 2004, aura un rôle décisif en cette année 2005 où doivent s’ouvrir les discussions sur le statut futur du Kosovo.

La France et l’Allemagne veulent intensifier leur coopération militaire bilatérale pour appuyer le développement de l’Europe de la Défense. Les échanges d’officiers, en formation ou en service, contribuent à créer une culture de défense commune. L’intégration réciproque des élèves officiers francais et allemands dans la formation militaire et académique, mais aussi la participation prévue de deux pilotes allemands à la formation franco-belge des pilotes de chasse contribue à ce développement.

De même, nos deux pays s’attachent à accélérer la modernisation des forces multinationales auxquelles ils participent. La Brigade franco-allemande verra son intégration renforcée et deviendra une grande unité moderne à très haute disponibilité apte à remplir les missions les plus exigeantes au profit de l’Union européenne et de l’OTAN notamment. A cette fin les armées de terre française et allemande ont décrit les grandes orientations pour les prochaines années dans la "Vision commune sur l’avenir de la Brigade franco-allemande". Outre sa contribution au projet de groupements tactiques, la Brigade participera également avec le Corps européen à la Force de réaction rapide de l’OTAN (NRF) en 2006.

Le rapprochement de nos outils de défense passera de plus en plus par l’acquisition d’équipements communs et la mutualisation de nos capacités. Nos pays se félicitent à cet égard de l’entrée en service de l’hélicoptère de combat TIGRE. Une formation commune est déjà dispensée aux moniteurs et aux mécaniciens respectivement dans les écoles du Luc (France) et de Fassberg (Allemagne). La formation des pilotes débutera dès septembre.

Dans le même esprit, la France et l’Allemagne sont convenues d’explorer avec leurs partenaires intéressés toutes les possibilités de coopération européenne offertes par l’entrée en service prochaine, en 2008, de l’avion de transport militaire gros porteur A 400M. Cela concerne aussi bien la mise en place de formations et de moyens logistiques européens, que l’utilisation conjointe des appareils. Dans ce contexte, la France et l’Allemagne poursuivent leur objectif de constituer à terme un escadron commun de transport aérien. Nos deux pays sont convenus d’intensifier leur réflexion sur l’ensemble de ces questions au sein des instances du Conseil franco-allemand de Défense et de Sécurité.

Nos pays entendent également poursuivre leur coopération pour relever ensemble le défi stratégique de l’espace, à travers le renforcement des capacités de l’UE pour l’évaluation de la menace et pour la conduite des opérations militaires. C’est ainsi que nous travaillons à la fédération de nos capacités d’observation spatiale nationales constituées par les systèmes français HELIOS II (optique et infrarouge) et allemand SAR-Lupe (radar). Le satellite français Helios II a été mis sur orbite avec succès le 18 décembre 2004. Le lancement du premier satellite allemand SAR-Lupe est prévu en février 2006. L’utilisation commune du système fédéré devrait commencer fin 2008.

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